Neurosciences et bouddhisme

Dans toute la nature, le cerveau de l’homme est indéniablement l'une des structures les plus complexes et des plus élaborés qui ait pu exister. C’est un organe tellement élaboré que son fonctionnement induisant une corrélation entre corps et esprit est depuis toujours auréolé de mystère. C’est la raison pour laquelle l’étude de la psyché trouve ses sources dès l’Antiquité, à travers la notion de psychologie. Au fil des siècles, les acquis se précisent et s’orientent de plus en plus vers la compréhension d’un système neurologique très abouti, comme en témoignent les travaux de Vésale et de Pinel. Tout récemment, une autre discipline tend à trouver ses marques et s‘impose comme la science par excellence du cerveau : les neurosciences. Son essor tient indubitablement du fait des progrès fulgurants réalisés en termes d’imagerie médicale, ce qui inclut également une exploration poussée du cerveau. Dès lors, la problématique de savoir si les neurosciences ont toutes les cartes pour devenir les sciences du XXIe siècle prend tout son sens, d’autant plus que les avis divergent auprès des scientifiques. Pour certains, une nouvelle ère concentrée sur la conception du désir et des souvenirs s’apprête à voir le jour. Jadis préoccupés par les enjeux de la génétique, désormais les spécialistes souhaitent réorienter leurs recherches vers l’analyse neurobiologique de la conscience. Si pour d’autres, cette révolution n’en est qu’à ses débuts, il n’en demeure pas moins que le retour à la spiritualité véhiculée par les sciences du cerveau semble inéluctable. Par ailleurs, les affinités entre ces deux concepts qui semblaient autrefois très éloignés se nouent de manière plus tangible. C’est en outre le cas du rapprochement entre bouddhisme et neurosciences, qui s’est opéré en 1987, avec l’instigation de l’avocat Adam Engle. Il avait émis l’idée d’instaurer une sorte de passerelle pour rassembler la science et la spiritualité. L’expérience avait pour finalité de déterminer une éventuelle relation entre les fonctions mentales et la méditation. Chose surprenante, des pratiquants religieux avaient poussé le procédé jusqu’à prendre part à des expériences neuroscientifiques au sein de laboratoires perfectionnés. Même si les résultats obtenus restent fragmentaires, la collaboration paraît relativement prometteuse.

 

Comment aborder les neurosciences ?

D’un point de vue purement théorique, les neurosciences renvoient à une science qui a pour objectif l’étude du système nerveux. La définition suppose que toutes les sciences qui ont trait au système nerveux en font logiquement partie. Par conséquent, elles regroupent des disciplines très variées parmi lesquelles figurent la neuroanatomie, la neurobiochimie, la neurophysiologie, la neuroendocrinologie ainsi que les neurosciences appliquées aux cellules et aux molécules. Dans la pratique, le terme est couramment utilisé en abrégé des « neurosciences cognitives ». Le concept en lui-même qui combine la neurobiologie et la psychologie voit le jour aux États-Unis vers la fin des années 1970. La principale vocation des neurosciences est de chercher à comprendre le fonctionnement de l’esprit et du cerveau par le recours à des méthodes scientifiques. L’ancêtre de la discipline est incontestablement le mouvement des « sciences cognitives » qui militait pour une théorie basée sur la mesure du processus psychologique grâce à l’expérimentation et l’observation des comportements. Par contre, la différenciation entre neuropsychologie et neurosciences ne tient qu’à la finalité résolument pathologique du premier. Par extension, les neurosciences affectives ont dépassé les applications uniquement portées sur la connaissance pour s’intéresser davantage aux émotions et à l’affectivité.

 

Tour d’horizon des récents acquis en neurosciences

Dès le départ, force est d’insister sur le fait le développement du système nerveux chez toutes les espèces animales est indissociable d’un programme génétique. Pendant la phase embryonnaire, la croissance et la prolifération des cellules sont orchestrées par le génome, de même que la taille et la forme des organes, même au niveau du cerveau et de ses connexions. Si la disposition des organes est le fruit de l’action des gènes architectes, la formation du cerveau est inhérente au contrôle des gènes du développement. D’une part, ce constat met en lumière une unicité dans la structure organisationnelle du système nerveux et d’autre part, insiste sur l’existence de différences neuroanatomiques entre espèces animales, alors même qu’au sein d’une espèce définie, le cerveau s’organise de la même façon. Dans l’espèce humaine, le cerveau n’est pas encore parvenu à maturité à la naissance. Il se développe continuellement sous l’influence de l’environnement social et par accroissement des connexions dans les zones cérébrales. Les scientifiques ont également largement démontré que le cerveau d’un être humain se différencie de façon très nette de celui des animaux. Dans cette argumentation, les critères de poids, de volume, du mode d’accroissement ainsi que le développement du cortex sont mis en avant. On estime toutefois que le point de départ des sciences du cerveau remonte à la découverte et à l’exploitation de l’unité fondamentale du cerveau : le neurone. Autant chez l’homme que chez les animaux, il existe en très quantité et s’organise en réseaux de neurones qui communiquent au niveau des synapses par le biais de signaux électrochimiques. En leur qualité de zones de contact entre les terminaisons de neurones, les synapses occupent un rôle prépondérant dans le fonctionnement cérébral. C’est sous leur impulsion que sont libérés les neurotransmetteurs dont l’action se situe au niveau de récepteurs spécifiques, par la production d’un potentiel d’action. Selon les cas, le procédé peut déboucher sur une action stimulatrice, ou a contrario, inhibitrice. Il faut savoir qu’un neurone humain compte pas moins d’un millier de synapses qui ont de plus une capacité de multiplication, de changement et de disparition très accrue. Dès lors, la propriété neuroplastique du système nerveux est tout à fait évidente et permet d’expliquer le potentiel d’adaptation du cerveau de l’homme, que ce soit après une maladie ou sous les effets d’un entraînement mental soutenu. Au fil des siècles, les scientifiques se sont également appliqués à démontrer la fonction primordiale des hormones et des neurotransmetteurs à l’échelle moléculaire. Dans la catégorie des molécules chimiques qui constituent les neurotransmetteurs, il faut englober l’acétylcholine, l’adrénaline, la noradrénaline, la dopamine, la sérotonine, le glutamate et les endorphines. Les endorphines, la noradrénaline et la dopamine interviennent dans la récompense et le désir, alors que la sérotonine agit essentiellement pour réguler l’humeur, la dépression, l’anxiété, la boulimie et les accès de violence. En effet, deux systèmes de contrôle, l’une causant le plaisir et l’autre le déplaisir, sont en constante corrélation, jusqu’à atteindre un certain équilibre. D’autre part, le système nerveux tient un rôle majeur dans la régulation de la sécrétion des hormones par l’intervention du noyau hypothalamique et de l’hypophyse. En amont, les hormones influencent le fonctionnement cérébral à travers le contrôle des fonctions vitales et de l’émotion.

 

Les méthodes d’exploration cérébrale en neurosciences

Les techniques d’exploration du cerveau d’un être vivant n’ont cessé de progresser depuis les années 1980. C’est une situation qui a occasionné une véritable révolution dans l’assimilation du fonctionnement de cet organe complexe. À ce jour, les types d’exploration sont regroupés en deux catégories distinctes : la mesure du débit sanguin local par émission de positions ou par imagerie médicale a permis de quantifier l’intensité de l’activité cérébrale dans des régions prédéfinies alors que la mesure du champ électrique par magnéto-encéphalogramme permet de déterminer l’activité des réseaux de neurones. L’une comme l’autre, ces techniques ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. La tomographie par émission de positions par exemple, a un faible pouvoir de résolution et un temps de mesure relativement long, ce qui rend l’examen difficile à réitérer. Au contraire, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dispose d’un pouvoir de résolution assez élevé, mais le temps de mesure reste assez long par rapport à l’activité cérébrale. D’un autre côté, l’électroencéphalogramme présente un pouvoir de résolution faible, mais un signal très rapide comparé à l’activité neuronale. Pour plus de qualité au niveau de la résolution, il faut augmenter le nombre d’électrodes et utiliser un logiciel en vue d’atteindre des zones assez reculées du cerveau. Malgré tout, l’exploitation et l’interprétation des résultats ne sont pas toujours très simples dans la mesure où chaque réseau fonctionnel possède généralement plusieurs régions cérébrales.

 

Étude de la fonction émotive

Dans l’ensemble des activités cérébrales, les émotions occupent une place prépondérante étant donné qu’elles induisent une action globale sur le fonctionnement du cerveau. Il n’est pas rare que leur influence prédomine sur la raison. Souvent oubliée, l’émotion est pourtant le moteur de la joie, de l’amour, de la création et de la poésie, en somme, tout ce qui a trait à l’humanité. Si aujourd’hui les progrès surprenants réalisés en chirurgie permettent désormais de remplacer certains organes du corps par des organes artificiels comme des implants et des prothèses, il paraît encore incertain que l’on puisse un jour mettre au point un cerveau artificiel avec des émotions tout aussi artificielles. Malgré cela, les émotions peuvent également poser problème, notamment lorsqu’elles sont destructrices, négatives et incontrôlables. D’un point de vue anatomique, les émotions suscitent l’action de plusieurs zones cérébrales qui interagissent entre elles de façon coordonnée. Ce sont entre autres le cortex préfrontal, le lobe insulaire, l’hypothalamus, le pont ou encore le mésencéphale. Toutefois, deux autres structures entrent également en jeu : l’amygdale, un noyau qui se présente sous la forme d’une amande et qui se situe dans la partie inférieure des lobes temporaux et joue un rôle dans les émotions négatives comme la peur, et juste derrière, l’hippocampe, une structure allongée qui est liée à la mémorisation et à la reconnaissance du contexte. Les troubles émotionnels résultent justement de défaillances au niveau de l’hippocampe pouvant déboucher sur la dépression et le stress post-traumatique. Selon les spécialistes, il faut distinguer particulièrement les émotions primordiales qui sont assez basiques et qui peuvent être retrouvées chez les animaux. Ce sont entre autres la faim, la soif, la respiration, le besoin de se soulager et les besoins sexuels pour pérenniser l’espèce. Ces émotions sont contrôlées par des centres implantés en profondeur dans la zone cérébrale et servent à produire une réaction adaptée de façon à permettre la survie de l’espèce. De telle sorte que chez un animal, la peur d’un bruit, d’une odeur ou d’une menace induit rapidement une réaction d’autodéfense qui se manifeste par une envie de fuir ou de combattre, et ce, en une fraction de seconde. Le cerveau est entraîné à agir de manière optimale. Ainsi, quand une souris aperçoit un serpent, l’image de son adversaire imprimée sur la rétine est transmise au thalamus et à l’amygdale et induit la fuite de la souris avant même que le message parvienne au cortex occipital permettant la reconnaissance du serpent. Dans la même logique d’idées, cela permet de comprendre pourquoi il nous arrive parfois de ressentir des manifestations émotives : un cœur qui bat plus vite et plus fort, des sueurs ou des douleurs au ventre. Elles sont tout simplement le fruit d’une stimulation du système neuro-végétatif, sans que nous ayons pour autant une conscience précise de la nature de nos émotions. Par conséquent, avec une analyse neuroscientifique, une émotion peut être négative tout en constituant un facteur positif si tant est qu’elle puisse préserver la vie de l’individu, selon le contexte. Une émotion n’est définitivement négative que si elle ne s’aligne nullement avec le contexte, c’est en outre le cas de la phobie qui n’est pas raisonnée et qui peut être la résultante d’un trouble fonctionnel de m’hippocampe. Dans la compréhension du mode de contrôle des émotions, il est impératif de saisir le rôle du lobe frontal médian. Il se répartit en deux parties : une qui est postérieure et qui comporte une zone motrice et une zone prémotrice, et une deuxième qui est antérieure, la zone préfrontale. Cette dernière partie abrite le gyrus cingulaire ainsi qu’une zone polaire antérieure et une zone ventro-médiane. Dans le pôle antérieur, la fonction cognitive trouve ses sources. Il intervient en effet dans la planification et la définition de buts à atteindre de sorte à « alimenter » la motivation et la volonté. Par contre, le cortex ventro-médian demeure déterminant pour les émotions, car toute perturbation au niveau de cette zone peut entraîner des lésions assez graves comme une difficulté à exprimer les émotions ou à les contrôler. Dans la pratique, l’amygdale stimule les émotions qui sont ensuite régulées simultanément au cortex préfrontal et à l’hippocampe. Particularité impressionnante, le premier possède davantage de connexions avec l’amygdale et est capable d’en inhiber l’activité. Par déduction, quand l’action de cette dernière est trop élevée en cas d’anxiété, le cortex préfrontal ventro-médian augmente son activité de façon à réduire l’émotion. C’est la partie gauche de la structure qui est inhérente au procédé et qui joue un rôle primordial dans la préservation des émotions positives. La partie droite, logiquement, influence de manière conséquente les émotions négatives. On peut dès lors considérer qu’u individu qui est prédisposé à avoir une activité préfrontale gauche plus marquait aurait tendance à être plus optimiste, plus joyeuse et plus dynamique, alors qu’une autre ayant une activité préfrontale droite dominante serait plus souvent apathique, pessimiste et triste. Au quotidien, il nous est donné de croiser divers tempéraments qui ont la particularité de ne pas changer malgré les circonstances. Cela pourrait expliquer pourquoi après un accident grave ou la perte d’un être aimé, certains individus parviennent mieux que d’autres à s’en remettre. Ce constat suppose donc que chaque personne voit le jour avec une identité biologique unique, un équilibre de tempérament conditionné par les gènes et qui peut plus ou moins se modeler avec l’expérience. La distinction en ce qui concerne la réaction face à un coup dur relève de ce fait d’un critère de rétablissement qui renvoie à un délai requis plus ou moins long après une émotion négative. C’est le délai nécessaire à l’individu pour que son état neuropsychique revienne à la phase initiale. Selon les recherches des spécialistes, les durées les plus courtes se retrouvent chez les patients dont l’amygdale s’active beaucoup moins que le cortex préfrontal gauche. Ces personnes sont enclines à disposer d’une grande capacité à réguler leurs émotions, à réfréner leurs peurs et à maîtriser leur colère, contrairement aux autres. Par ailleurs, leur taux de cortisol sanguin, une substance sécrétée en phase de stress sous un stimulus du cerveau, est assez bas. En effet, ce taux revient très vite à son état initial chez les individus qui peuvent récupérer rapidement. Dans le schéma contraire, la cortisolémie reste assez longtemps à un niveau élevé et entraîne une détérioration cellulaire au niveau de l’hippocampe. Ce sont des déductions qui ont été tirées de l’observation de personnes touchées par un stress post-traumatique ou par la dépression. Fort heureusement, ces neurones sont dotés d'une incroyable capacité à se régénérer et à se multiplier, et ce, même à un âge assez avancé, mais il faut pour cela un traitement adapté. En dernier lieu, mais nullement des moindres, ces personnes sont également dotées d’une fonction dite immuno-protectrice plus prépondérante de façon à ce que les cellules immunocompétentes soient bien plus efficaces pour protéger l’individu des agents infectieux issus de l’environnement extérieur, voire des cellules tumorales qui lui sont propres. En définitive, une régulation optimale des émotions ne peut qu’être salutaire et bénéfique à la santé et au bien-être du corps.

 

Peut-il y a voir un lien entre émotion et intelligence ?

C’est une préoccupation qui a été abordée par de nombreux scientifiques, notamment le neurologue Antonio Damasio ainsi que le psychologue Daniel Goleman. Durant les recherches, il est apparu que le lobe frontal détient une fonction fondamentale pour ce qui est de l’intelligence cognitive de base, mais tout autant dans l’intelligence relative aux émotions. Les expériences menées ont démontré que l’émotivité induit une forte influence sur les fonctions cognitives de l’être humain, allant jusqu’à tenir une place décisive dans ses prises de position. Par ce procédé, l’homme serait alors enclin à suivre une intelligence « du cœur ». Dans ce schéma précis, le quotient intellectuel n’a plus son emprise dans l’évaluation de la réussite professionnelle ou personnelle de l’individu. Il perd sa place au détriment du QE, le quotient émotionnel. Quand on aborde le chapitre des neurosciences, il demeure impossible de contourner l’existence des neurones « miroirs ». C’est au cours des années 1990 que le concept a vu le jour, sous la loupe expérimentale de Giacomo Rizzolati et de ses collaborateurs de l’Université de Parme. Leurs expérimentations ont pu mettre en lumière qu’en phase d’enregistrement des activités de groupes de neurones du lobe frontal d’un singe, il se trouve que les mêmes allants se manifestent quand le singe se contente de regarder l’exécution d’une action et quand il effectue lui-même l’action. Cet effet de miroir existe également chez l’homme alors qu’il se poste en tant qu’observateur d’une action motrice ou d’une transmission d’émotions. Par conséquent, il apparaît que le simple fait de regarder une action contribue d’emblée à se préparer à la réaliser, de même que le fait de discerner une émotion permet déjà de la ressentir. Ce constat prouve combien nous avons tendance à nous imiter les uns les autres au quotidien et explique de manière très logique l’instinct conformiste autant que l’explosion de la violence, la psychologie de la masse ou l’effet déplorable des films trop violents sur la jeunesse. D’un point de vue plus optimiste, il apporte malgré tout, des éclaircissements sur la compréhension, l’empathie et la compassion à l’égard des sentiments de nos pairs.

 

Au carrefour entre neurosciences et bouddhisme

Dès le départ, il peut sembler utopique de vouloir faire un amalgame entre neurosciences et bouddhisme tant ces deux domaines se situent à des plans relativement éloignés. Cependant, il est possible de retirer des points de rencontre entre les deux disciplines et il est même étonnant de déceler beaucoup plus de points de convergence que le contraire, notamment d’un point de vue purement théorique. Voici un certain nombre de constats qui renvoient à cette idée. Dans les textes sacrés bouddhiques, il est mentionné qu’il n’est pas chose facile de naître humain, encore moins de recevoir l’enseignement du Bouddha. Dans un Sutra dédié au Lotus, le Bouddha utilise justement une parabole sur la tortue pour mettre en avant la difficulté d’être dans la peau d’un homme, d’autant plus qu’il a toutes les cartes en main pour aspirer à la sagesse ou le pañña, voire de réaliser l’éveil, le bodhi. Dans le domaine scientifique, toute vie qui apparaît constitue également un événement d’exception. C’est l’aboutissement difficile de la fusion d’un spermatozoïde et d’un ovule pour donner un œuf qui évoluera en embryon en passant par différents stades de développement. Au final, l’expérience aboutit à la naissance d’un être humain qui aura malgré tout dû passer par de nombreuses épreuves. D’un autre côté, c’est aussi là la preuve d’une évolution qui a pris près d’un milliard d’années pour en être à son stade actuel, après avoir traversé une multitude de générations qui ont transmis et modifié en permanence les gènes. Dans toute l’espèce animale, l’homme est le seul à avoir le privilège d’avoir été doté d’un organe exceptionnel, le cerveau humain. C’est là un gigantesque réseau composé de centaines de milliards de neurones, d’un million de milliards de synapses, le tout travaillant continuellement de concert avec une plasticité inégalée.

 

La vision bouddhiste de l’univers

La ligne de réflexion maîtresse dans le bouddhisme tient dans la « paticca-samuppada » qui peut se traduire par la production conditionnée. C’est une sorte de sentence sans faille qui revient dans de nombreux sutras en ces termes : si une chose existe, cela existe. Quand une autre n’existe pas, cela n’existe pas. C’est une conception qui tourne autour de l’idée d’une interdépendance, d’une interaction entre les choses. Pourtant, dans les neurosciences comme dans les sciences appliquées à la physique, tout est interconnecté et relié. Ainsi, le système nerveux s’organise tel un réseau perfectionné de cellules, de noyaux, de fibres, de récepteurs et de neurotransmetteurs qui interagissent et s’influencent tout en transmettant de manière bilatérale des informations. Ce qui laisse supposer que neurosciences et bouddhisme s’inscrivent dans la même perception holistique de ce qui les entoure. Dans le bouddhisme se démarque également un attachement fort à l’amour universel, le metta, et à la compassion ou le karuna. C’est un principe qui découlerait de la certitude que l’homme est un être sensible et proche de tous les autres vivants. Dans un Sutra relatif à la compassion, il est fait mention de la bienveillance dont doit témoigner l’homme envers tous les êtres, et ce, à la manière d’une mère qui chérit et protège sa progéniture. Dans un autre texte du Diamant, la vision bouddhiste encourage à la conduite au Nirvana de tous les êtres de l’univers, qu’importe leur origine, que ce soit à partir d’œufs, d’humidité ou d’embryons. De leur côté, les sciences ont pu révéler que dans le processus même d’évolution de la Terre, à partir de la première cellule viable qui remonte à plus de trois milliards d’années, les premiers gènes communs se sont maintes fois changés jusqu’à aboutir à l’apparition de plusieurs espèces animales, parmi lesquelles figure l’homme. Selon leurs analyses, le contraste génétique qui pourrait exister entre l’homme et les animaux est relativement moindre, contrairement à ce que l’on pourrait être porté à croire. La preuve en est que chez les mammifères, il est possible de recenser un peu plus de 3000 gènes et l’homme partage avec plusieurs espèces d’animaux jusqu’à 98% de leurs gènes, voire 99% si l’on ne retient que la catégorie des singes comme le chimpanzé et le gorille. L’être humain ne se démarque de la souris qu’à raison de 300 gènes. Ces chiffres tendent à valider l’hypothèse selon laquelle il existerait une forme de parenté éloignée entre l’homme et les animaux. Par conséquent, le fait que l’homme représente l’animal le plus intelligent et le plus influent sur son environnement, il paraît logique qu’il doive faire montre de responsabilité envers les autres espèces et le territoire commun, la Terre.

 

La force du mental chez les bouddhistes

Dans l’idéologie bouddhiste, le mental, l’esprit occupe une place prépondérante. Tel que l’énonce le tout premier verset du Dhammapada, toute chose est irrévocablement précédée par l’esprit, dominée par elle et constituée par elle. Dans d’autres textes, cet attachement au mental est également très tangible. Dans le Lankavatara Sutra par exemple, la vision bouddhiste encourage à prendre le mental pour maître afin d’atteindre le Dharma. C’est une idée reprise dans le Surangama Sutra dans la logique selon laquelle l’origine de toute chose tiendrait dans le terrain du mental. En neurosciences, il est impossible d’établir une quelconque relation entre les espèces pourvues d’un système nerveux et le monde qui les entoure, ni même d’assurer leur survie, sans qu’il n’y ait une activité cérébrale. C’est celle-là même qui guide de manière générale la vie physique, sociale et psychologique de l’homme. C’est probablement la raison pour laquelle la mort est abordée comme une cessation définitive du fonctionnement du cerveau, induisant une destruction des neurones. En termes de changements, les deux disciplines comportent aussi des points de convergence. Dans le bouddhisme, chaque phénomène se doit d’être « impermanent », de façon à se modifier sans arrêt en peu de temps. Pour les neuroscientifiques, l’activité cérébrale est continue, même quand l’individu dort, de telle sorte qu’à chaque instant, le cerveau est capable de se modifier en faisant par exemple pousser des synapses et en disparaître d’autres. Pourtant, c’est au vu de cette caractéristique que le cerveau peut trouver le moyen de maintenir sa plasticité et sa force d’adaptabilité. Avec le temps et les acquis, les expressions des gènes peuvent toujours demeurer sujettes à changement. Pour le bouddhisme, il est impératif que chaque événement demeure « sans-moi » ou « anatta ». Ce qui suppose qu’il n’y a aucun signe d’individualité propre dans le moi qui lui-même n’est qu’illusoire. Dans le bouddhisme, le moi constitue avant tout un agrégat temporaire de cinq entités : la forme ou rupa, les sensations ou vedana, la perception ou sañña, les volitions ou sankhara et la conscience ou viññana. Pourtant, parallèlement, en neurosciences, ce sont ces entités même qui prennent naissance par le biais de l’activation des zones cérébrales. Cela n’empêche pas que même dans cette vision moderne il n’y ait pas véritablement de centre « du moi ». En effet, aucune zone ne pourrait se considérer comme l’unique siège de la conscience ou du moi.

 

L’appréhension du réel et les émotions

Dans l’idéologie bouddhiste, l’homme est malheureusement constamment sujet à des « illusions ». Ce seraient de mauvaises perceptions qui viennent de l’ignorance et qui affectent la nature lumineuse de l’homme. Pour le bouddhisme, la majorité des phénomènes sont fictifs, illusoires et sans une réalité proprement fondée. Tel que l’affirme le Sutra du Diamant, toute chose ayant une forme ne relève que de la fausseté et de l’illusion. De ce fait, les évènements qui seraient conditionnés ne peuvent que renvoyer à des rêves, à de la magie ou à une bulle illusoire. De même d’après les neurosciences, l’homme ne perçoit son environnement que guidé par une illusion. Dans la mesure où les informations, selon leur intensité, sont d’abord prises en charge par des réseaux de neurones. À tout moment, le contenu de la mémoire peut être altéré et modifié par les émotions. Hormis les illusions optiques qui surviennent généralement conformément à des lois physiques, les sensations restent principalement analysées et interprétées par le cerveau avant de devenir une perception. Dès le moment où l’image se fixe sur la rétine jusqu’à ce qu’elle soit identifiée par la conscience, un temps précieux s’écoule. Mais à cet effet, la conscience de l’objet comme tel n’est plus vraiment représentative de l’objet. Il devient donc difficile de percevoir la réalité fidèlement, telle qu’elle doit l’être. Par conséquent, l’unique réalité qui peut être perçue directement par le cerveau reste sa propre activité. Face à ces constats, il paraît normal que le bouddhisme considère que les émotions sont au centre des principaux maux que l’homme s’impose. C’est la souffrance ou dukkha qui est l’émotion première poussant l’homme à partir en quête de délivrance. Il s’agit ici de l’ultime « sceau de l’existence », après l’anicca et l’anatta. L’homme souffre en raison de divers troubles, de souillures véhiculées par des émotions négatives, voire mauvaises dont l’avidité, ou lobha, la colère ou dosa et l’ignorance ou moha. En neurosciences, les spécialistes estiment eux-aussi que la plupart des maladies mentales, de la simple dépression à l’anxiété, en passant par la schizophrénie, relèvent de troubles émotionnels. Pour le pratiquant bouddhiste, seul prévaut le principe de la plasticité pour ce qui est de l’esprit humain. À ses yeux, l’expérience est tout sauf une entité rigide et figée, mais plutôt un procédé malléable et modifiable. C’est une conception qui prédispose chaque être humain à parvenir à la délivrance ainsi qu’à l’atteinte de l’éveil. À juste titre, un livre d’un auteur renommé évoque que « s’entraîner le mental, c’est modifier son karma ». C’est cependant une réflexion qui s’aligne étonnamment avec les découvertes récemment obtenues en neurosciences. Il est apparu pour les scientifiques que l’expérience peut contribuer à modifier de façon durable le cerveau et que les fonctions cognitives et effectives sont susceptibles d’être influencées par l’entraînement du mental, c’est la garantie de la neuroplasticité du cerveau humain. Dans le bouddhisme, il n’y a pas non plus de différenciation précise entre l’énergie et la matière. Il en va de même dans les neurosciences, car les sciences physiques ont largement démontré que l’énergie fait partie intégrante de la matière, que ce soit à l’échelle microscopique ou macroscopique. Les neuroscientifiques ont également prouvé que l’énergie électrique à l’origine de l’activité cérébrale trouve sa source dans les neurones, et ce, par le biais de réactions physiques et chimiques.

 

Faut-il distinguer le mental du cerveau ?

Pour un grand nombre de bouddhistes, il est primordial de dissocier l’esprit du corps et donc de distinguer le mental du cerveau. Pour eux, ce sont deux entités totalement séparées que rappelle la doctrine du « moi provisoire » guidé par cinq agrégats. Dans cette logique, la forme qui compose le premier agrégat est inhérente à l’entité matérielle et les autres, à savoir la perception, les sensations, les volitions et la conscience, tiennent de l’entité purement spirituelle. C’est à travers cette conception dualiste que les bouddhistes parviendraient à apporter une explication à la vie après la mort. En pénétrant au cœur même de l’enseignement bouddhique, il est plus facile de comprendre la dualité des aspects de la vérité, à la fois relative et absolue. Ainsi, l’on s’aperçoit que la distinction entre matière et esprit et la présence des cinq agrégats n’apportent qu’une méthodologie utile d’enseignement. En définitive, le mental et le cerveau ne représentent que deux dénominations et donc deux aspects d’une réalité identique. Le consensus revient au camp des neuroscientifiques grâce à l’expertise du médecin et physiologiste français Cabanis en 1802 qui avait affirmé qu’invariablement « le cerveau sécrète la pensée. » C’est pourquoi à ce jour, la plupart des spécialistes du domaine estiment que le mental ne s’apparente qu’à la manifestation directe du fonctionnement du cerveau humain. Comme le résume assez bien Derek Denton de l’Université de Melbourne, « le mental est ce que fait le cerveau ». Malgré tout, il se pourrait que la tâche qui implique de trouver une conjecture demeure inutile.

 

Les points de rupture entre neurosciences et bouddhisme

Si de nombreux points de convergence ont pu être mis en lumière entre neurosciences et bouddhisme, les différences entre les deux disciplines sont peu nombreuses. En premier lieu, pour expliquer l’évolution du monde, le bouddhisme opte pour la loi de cause à effet supposant l’existence d’un karma qui s’accumule au fur et à mesure des existences. Selon le bouddhisme, les êtres vivants sont conditionnés pour passer indéfiniment le cap des renaissances ou samsara. Le Bouddha s’appliquait d’ailleurs uniquement à n’enseigner que des connaissances utiles, pour que l’objectif de la délivrance de la souffrance puisse être effectivement atteint. A contrario, les sciences modernes recherchent une explication dans toutes choses, de plus insignifiant au plus colossal et en ayant recours à des lois naturelles relatives à la physique et à la chimie. C’est une démonstration qui débute habituellement par l’évolution des espèces animales et qui s’achève par l’aboutissement à l’homme par voie de sélection. C’est une vision du monde que l’on doit notamment à Charles Darwin qui n’a pas ménagé ses efforts pour parvenir à une hypothèse tangible de l’origine des espèces. Neuroscience set bouddhisme divergent également au regard des buts et des moyens qui sont invoqués. Pour le deuxième, la finalité ultime reste la délivrance, soit l’arrêt définitif de la souffrance. Dans la devise du Mahayana, tout pratiquant n’œuvre que pour s’éveiller lui-même et aider les autres à atteindre le même état de béatitude. Afin d’y parvenir, les moyens utilisés sont l’Octuple Juste Sentier, les trois entraînements par le sila, le samadhi et le pañña, ainsi qu’une méthodologie permettant de travailler son mental. À l’opposé, la vocation des neurosciences se veut beaucoup plus étendue, car il est ici question de rechercher l’ensemble des aspects et des domaines inhérents au système nerveux, en faisant preuve d’objectivité et de raisonnement. À cet effet, les scientifiques n’hésitent pas à recourir à tous les moyens dont ils disposent, quitte à procéder à une expérimentation sur l’homme lui-même ou sur des animaux. Autre différence capitale, les neurosciences englobent plusieurs branches, certaines pratiques et d’autres théoriques. Dans les divisions théoriques, il faut retenir la thérapeutique des pathologies du système nerveux, la prévention des éventuelles rechutes et le processus de réhabilitation à la suite d’une maladie. Mais dans ce cas, on peut supposer que le bouddhisme peut intégrer cette catégorie étant donné qu’il souhaite s’illustrer à la fois comme une méthode thérapeutique dédiée aux personnes atteintes de troubles mentaux et comme une méthode d’entraînement mental pour les sujets sains.

 

Quand les neurosciences s’intéressent à la méditation

Depuis quelques années, les neuroscientifiques trouvent de plus en plus d’intérêt dans l’étude des possibles effets de la méditation sur la santé. Si les résultats restent encore peu satisfaisants, cela provient à n’en pas douter d’une méthodologie encore trop peu rigoureuse. Toujours est-il que les scientifiques décèlent un vrai potentiel dans l’analyse scientifique de la méditation qui pourrait selon eux aider à mieux cerner les fonctions les plus complexes du cerveau. Par ailleurs, la méditation a déjà porté ses fruits dans le traitement d’un certain nombre de maladies mentales au sein de structures médicales. Les hypothèses allant dans le sens d’une méditation en tant que méthode d’entraînement mental pour des personnes bien portantes tendent en plus à se confirmer. Pour les spécialistes, il faut distinguer deux types principaux de méditation : d’une part, la méditation transcendantale qui est issue des coutumes hindoues et utilise un mantra sacré, et d’autre part, la méditation en pleine conscience qui renvoie à la forme primitive de la méditation bouddhique tout en étant applicable dans un décor laïc et séculier.

 

L’influence de la méditation sur l’attention et les prouesses cérébrales

À ce jour, il existe un nombre incalculable de recherches qui ont porté sur l’attention. Il est en plus tout à fait normal que ce soit la finalité principale de la personne qui médite. Dans le principe bouddhique, la « juste-attention » fait partie intégrante de l’Octuple Sentier, de même que le Sutra de l’accomplissement de l’attention. C’est la vision que partage également la méthode Zen. Il se murmure d’ailleurs que le maître Zen Ikkyu qui fut interrogé par un de ses disciples sur la clé du Zen ait répondu qu’il s’agit du Nen, l’attention. Du côté des neuroscientifiques, la distinction est faite entre deux formes de méditation : la méditation concentrative qui consiste à reporter de manière soutenue toute sa concentration sur un objet ou une action prédéfinis, ainsi que la méditation ouverte qui s’applique simplement à suivre instantanément l’expérience mentale, sans toutefois réagir. Les études menées par quelques scientifiques ont permis de démontre que la méditation concentrative déclenche la mise en route de plusieurs zones cérébrales impliquant l’introduction de l’attention, son orientation et son maintien. Bien évidemment, l’activation reste plus importante chez des méditants expérimentés plutôt que chez des débutants. Chose surprenante néanmoins, elle reste assez minime chez les méditants qui jouissent d’une assez longue expérience, comme si l’effort d’attention leur était devenu inutile. Une autre étude menée par Heleen Slagter et Richard Davidson a confronté un groupe de méditants experts à un groupe de débutants, auxquels ont été présenté deux stimulus visuels, séparés per un bref intervalle de temps. Normalement, il devrait se produire un clignement dit attentionnel pendant lequel le cerveau peine à discerner la deuxième information, étant encore concentré sur la première. Pourtant, il est apparu que les méditants bénéficiant déjà d’un entraînement poussé ont réussi à percevoir les deux stimuli, de sorte que leur cerveau emploierait moins de ressources pour la première information pour qu’il en reste en réserve pour l’analyse du dernier stimuli. Cette expérimentation suppose donc qu’un entraînement mental intensif via la méditation serait à même de repousser les frontières du traitement de l’information par le cerveau humain. Une étude réalisée par Antoine Lutz et richard Davidson sur un groupe de moines tibétains possédant une longue expérience en méditation a montré que dès le début de la méditation, on voit apparaître des oscillations gamma de haute fréquence chez les sujets. C’est un résultat qui est probablement la conséquence d’une activité synchronisée de divers groupes de neurones, plus particulièrement dans la région fronto-pariétale latérale. Si pour l’heure la signification du phénomène demeure encore floue, l’existence même des oscillations gamma d’une telle amplitude dans des situations normales de perception ne peut relever que d’une harmonisation de l’activité neuronale en vue d’une perception consciente. Dans une analyse relativement récente de Sean O’Nuallain, la théorie selon laquelle la synchronie gamma durant la méditation est favorable à l’arrêt temporaire de l’habituel bruit de fond du cerveau. Les professionnels de la méditation auraient donc la capacité de plonger pendant un court laps de temps leur cerveau dans un état de sensibilité maximale et de consommation minimale d’énergie.

 

Comment la méditation agit-elle sur les émotions ?

Selon les études opérées par un grand spécialiste des émotions, Paul Ekman, il s’avèrerait qu’il y a de fortes chances pour que la méditation rende le patient plus sensible aux émotions d’autrui. L’expert a en effet menée une expérimentation sur deux méditants professionnels auxquels il a montré des images de visages reflétant des émotions comme la peur, la colère et le mépris. Pour les besoins de l’étude, les figures n’apparaissent que très brièvement. Il en est ressorti que les expressions du visage, appelées « micro-expressions », sont presque instantanément reconnues et de manière involontaire par les sujets. Ce constat remarquable qui fait mention d’un taux de reconnaissance des émotions des plus élevés ouvre la voie à l’hypothèse que la méditation est capable de rendre plus réceptif et moins indifférent aux émotions des autres. Une étude d’un autre genre a été portée sur un groupe de méditants expérimentés et un deuxième de débutants. Entraînés dans une méditation sur la compassion, les sujets sont soumis à des sons générant des émotions dont le cri d’une femme en situation de détresse, le rire d’un enfant et le tapage d’un restaurant bondé. Les résultats soulevés sont dignes d’intérêt. En premier lieu, il apparaît que l’activité des zones cérébrales demeure plus importante en phase de méditation plutôt qu’au repos. Les sons suscitant des émotions négatives génèrent une activité plus conséquente que ceux entraînant des émotions positives ou neutres. L’activité cérébrale reste plus forte chez les méditants expérimentés que chez les débutants. Enfin, dans les zones relatives à la compassion, dont l’insula, à l’origine de la manifestation corporelle des émotions, et la jonction temporo-pariétale qui différencie les émotions propres à l’individu à celles de son entourage, les deux espaces se retrouvent solidement coordonnés chez les méditants experts. Par ailleurs, ces zones sont intimement impliquées dans le partage des émotions et l’empathie. Il faut de ce fait en conclure que la méditation sur la compassion rend possibles le développement et la culture de l’empathie et de la compassion, au même titre que nos autres qualités. D’autres expériences ont aussi laissé entrevoir la perspective de l’existence d’une corrélation entre le processus de méditation et le déclenchement de l’amygdale. Il en est ressorti que plus le méditant est expérimenté, moins son amygdale est susceptible d’être activée. Pourtant, l’amygdale est la source des émotions négatives comme la peur et l’angoisse. De ce fait, la méditation permet également de réduire l’expression des émotions négatives.

 

Le bonheur et la sérénité grâce à la méditation : est-ce possible ?

Si elle mérite d’être posée, la question du lien entre sérénité, bonheur et méditation demeure très subjective. Fort heureusement, il est possible que les neurosciences puissent y apporter un peu de lumière. C’est en mesurant l’activité cérébrale d’un lama possédant une longue expérience dans la méditation grâce à l’enseignement de grand maître Tibétains que Richard Davidson tombe sur de fortes oscillations gamma à hauteur du gyrus préfrontal médian gauche, relatif aux émotions positives, alors que le lama était soumis à divers modes de méditation. L’oscillation devient très nette en phase de méditation sur la compassion et coïncide avec un état de bien-être et de sérénité chez le méditant. C’est un résultat qui est loin de surprendre le Dalaï-Lama qui est depuis toujours persuadé que le bénéficiaire de la méditation sur la compassion est avant tout le méditant lui-même. Une autre expérience tend à s’aligner avec cette découverte. En procédant à un EEG sur un lama qui est également enseignant de haut niveau, Richard Davidson et Francisco Varela ont relevé un score d’asymétrie particulièrement élevé en comparant le taux d’activité préfrontale des deux côtés. Le Dalaï-Lama s’est contenté de rapporter que cet homme, de sa connaissance, est aussi bon que simple, rayonnant de joie et érudit et un fervent pratiquant de la méditation sur la compassion. Il semblerait donc qu’effectivement, la méditation sur l’amour universel, la joie communicative et la compassion puisse conduire au bonheur et à une paix sereine.

Quels résultats pour la méditation dans les instituts spécialisés ?

C’est au début des années 1970 que le professeur en biologie de l’Université du Massachusetts Jon Kabat-Zinn a l’idée de développer une méthode de réduction du stress basée sur la pleine conscience afin de traiter des pathologies liées au stress. Selon lui, la pleine conscience peut se définir comme un état de conscience qui est inséparable de l’action de reporter son attention de manière intentionnelle sur l’expérience, sans ressentir le besoin de juger. » L’expérimentation s’est tenue sur une durée de huit semaines à raison de trois heures de méditation collective par semaine et des séances individuelles d’une quarantaine de minutes. En appliquant l’étude sur des employés d’une société de biotechnologie, les scientifiques ont pu comparer deux groupes, l’une composée de pratiquants de la méthode de méditation et le deuxième de non-pratiquants. Au bout de quatre mois, le professeur a décelé une augmentation substantielle de l’activité préfrontale gauche chez les pratiquants qui ont même confié ressentir davantage d’émotions positives et plus de calme dans la vie courante. Pendant des années, de nombreuses autres personnes ont pu être traitées pour différentes pathologies : les maladies cardio-vasculaires, les douleurs chroniques, l’insomnie, l’anxiété et les céphalées. Aujourd’hui, la méthode de réduction du stress basée sur la pleine conscience est très bien reçue par les spécialistes et enseignée aux étudiants pour pallier à certaines formes de psychothérapies et d’interventions d’ordre psychologique. De plus en plus répandue, cette méthode a récemment assisté à l’apparition d’une formule dérivée utilisant une thérapie cognitive axée sur la pleine conscience, par Zindel Segal, de l’Université de Toronto. La vocation de ce procédé est de prévenir les rechutes dans les problèmes de dépression. Force est de constater que les patients qui sont passés par un épisode dépressif sont plus enclins à ruminer des idées négatives, ce qui débouche très souvent sur un taux de rechute relativement élevé. L’objectif que la MBCT s’est fixé est d’apprendre aux patients à s’opposer à ces pensées néfastes en les entraînant à décortiquer continuellement les idées qui leur viennent à l’esprit sans jugement ni émotion. Pour l’heure, les résultats sont satisfaisants, il est fait mention d’une réduction de moitié du taux de rechute des dépressions.

 

La méditation est-elle bénéfique pour le corps ?

À ce jour, la méditation a déjà démontré des effets très bénéfiques sur le corps, notamment la diminution du rythme cardiaque et de la tension artérielle. Pour les neuroscientifiques, ces constats sont inséparables d’une action sur le système nerveux neuro-végétatif. Celui-ci joue le rôle de régulateur de l’activité de plusieurs organes internes et comporte deux composantes qui interagissent de manière équilibrée. Il s’agit d’une part, du système nerveux sympathique qui permet de mobiliser le corps en vue d’une action. Il se met en marche sous le coup du stress et tend à accélérer les rythmes cardiaques et respiratoires ainsi qu’à contracter les vaisseaux. D’autre part, l’on retrouve le système nerveux dit parasympathique qui décélère les rythmes cardiaque et respiratoire, augmente la sécrétion digestive et dilate efficacement les vaisseaux. Le principal effet de la méditation serait de réduire l’action du système nerveux sympathique tout en stimulant parallèlement celle du système nerveux parasympathique. On peut d’ailleurs estimer que c’est au vu de son influence bénéfique sur le stress qu’il est à la portée de la méditation de ralentir la cortisolémie et de booster les défenses immunitaires. En effet, la suite des études de Jon Kabat-Zinn a également permis de montrer que des pratiquants ayant bénéficié d’une vaccination contre la grippe ont fait preuve d’une réplique vaccinale plus satisfaisante que dans le groupe des non pratiquants. Par conséquent, il y a de fortes chances que la méditation présente une action favorable dans la stimulation des défens immunitaires contre les infections. Malgré tout, il n’est pas encore permis d’affirmer l’existence d’une efficacité thérapeutique de la méditation sur le cancer et les maladies graves, dans la mesure où aucune étude sérieuse n’a pour le moment pas été engagée sur cette voie. Toujours est-il qu’une expérimentation dirigée par Sara Lazar de l’Université de Harvard a montré que l’épaisseur du cortex à certains niveaux du cerveau chez une vingtaine de méditants expérimentés est beaucoup plus significative que chez un groupe de non-pratiquants. Les zones les plus épaisses sont notamment la région préfrontale et la partie insulaire antérieure droite. Il faut savoir que l’épaisseur du cortex demeure un critère de détermination de l’âge du cerveau. Ce qui laisse supposer qu’une pratique assidue de la méditation pourrait ralentir de manière satisfaisante le vieillissement du cerveau.

 

Les états mystiques sous la loupe des neurosciences

Selon l’affirmation d’Andrew Newberg et d’Eugene d’Aquili de l’Université de Pennsylvanie, il existe quelques catégories d’états mystiques qui peuvent trouver une explication dans un état assez spécial du cerveau. C'est pour eux le cas du sentiment de rapprochement avec l’Absolu, avec Dieu ou encore l’atteinte de l’éveil. C’est en ayant recours à un SPECT en 2001 que les chercheurs ont pu mesurer l’activité cérébrale de méditants et de religieuses franciscaines en pleine séance de prière. Ils ont été surpris d’observer une hausse de l’activité de leur lobe préfrontal responsable de l’attention jumelée à une baisse brusque de l’action du lobe pariétal supérieur postérieur qui régule l’orientation du corps dans son environnement. C’est un changement qui s’est opéré alors même que les patients étaient parvenus au paroxysme de leur méditation et de leur prière, allant jusqu’à éprouver un sentiment de fusion avec l’univers et d’abolition des frontières entre elles et le monde extérieur. Pour les deux scientifiques, c’est indéniablement la désafférentation de la zone pariétale supérieure postérieure qui est la principale cause de la sensation de flottement et d’éveil. Ils assimilent cette expérience à un état unitaire absolu qui est commun aux sujets qui ont déjà eu l’opportunité de vivre à un moment donné de leur existence une expérience mystique similaire. Si l’hypothèse reste pour l’heure en cours d’étude, elle a néanmoins permis d’ouvrir le débat sur les horizons à inspecter dans l’analyse des situations mystiques.

 

Quelles perspectives d’avenir pour la méditation ?

Un récent sondage aux États-Unis concernant le recours à la médecine alternative et complémentaire a fait apparaître que sur un échantillon de vingt-trois mille personnes enquêtées, près de 10% ont choisi d’utiliser la méditation comme thérapie. Les principales raisons invoquées dans le choix du recours à cette méthode étaient le stress, la dépression, l’anxiété, l’insomnie et les douleurs chroniques, mais également pour le bien-être. À la suite de ce constat, une évaluation draconienne a été menée afin de faire un bilan de l’état des connaissances sur le sujet de la méditation à travers les études scientifiques menées jusqu’alors sur ses méthodes, incluant entre autres le Yoga, le Tai Chi et le Qi Gong. Le rapport qui fut publié par la suite faisait mention de plus de huit-cents recherches effectuées dont la plupart portaient sur les effets physiologiques et neuropsychologiques de la méditation. Il a été reconnu que des arguments étaient en faveur de l’existence de conséquences bénéfiques de la méditation sur la santé, mais qu’ils demeuraient malgré tout peu solides dans la mesure où les prochaines recherches sur la question se devront d’être encore plus rigoureuses en termes de conception, de mise en œuvre et d’interprétation des résultats. On peut donc affirmer que les analyses neuroscientifiques sur la méditation demeurent des études à caractère préliminaire et les acquis sur le sujet encore clairsemées de lacunes et de zones d’ombre. Il est cependant possible d’espérer que les prochaines années verront l’apparition de projets d’études d’envergure et plus structurés et employant des méthodes d’exploration plus performantes et donc plus à même d’éclaircir la question. Malgré tout, il reste certain que de nouvelles problématiques sont à envisager avec sérieux, notamment les éventuels effets de la méditation sur les phénomènes biologiques annexes, dans la vie de tous les jours, sur le long terme, chez le sujet âgé ou l’enfant et sur l’influence de l’environnement socioculturel sur les applications de la méditation. À l’issue de cette confrontation entre neurosciences et méditation, il e, ressort pour le scientifique une vison encore plus étoffée de l’activité cérébrale, une considération de la méditation au titre de méthode thérapeutique applicable pour le traitement de nombreux troubles mentaux et à celui de méthode d’entraînement mental qui peut être accessible à tout un chacun. Du côté du bouddhiste, force est de se poser la question si les acquis des neurosciences ont quelque peu modifié la manière d’appréhender et d’exécuter l’enseignement bouddhique. Au regard de l’évolution constante des sciences et de la largesse de son utilisation, il est primordial de reconsidérer la manière dont le bouddhisme va progresser dans les prochains siècles. La question de savoir si le bouddhisme est destiné à s’illustrer comme une forme de spiritualité séculière et une voie vers l’entraînement du mental peut-elle suffire à le rendre accessible à tout individu aspirant à une vie spirituelle plus épanouie ?

À ce jour, pour une grande majorité des scientifiques, le cerveau reste le seul organe qui puisse être source de pensée. Pourtant, il est primordial de reconsidérer la question en se demandant s’il ne serait pas éventuellement concevable que l’effet inverse se maintienne, soit que l’esprit induise lui aussi des modifications physiques sur ce cerveau, une substance dont il est invariablement dépendant. Dans cette logique, il adviendrait que la pensée dans sa forme la plus pure altèrerait l’identité chimique ainsi que l’activité électrique du cerveau, en passant par ses circuits, et pourquoi pas, sa structure même. Néanmoins, le bouddhisme s’oppose à cette seule idée d’une réduction de l’esprit à l’état de matière. C’est d’ailleurs le principal point de divergence quand vient la tâche peu évidente de faire une confrontation entre l’idéologie et les apports des neurosciences. Cela fait pas moins de deux millénaires que le bouddhisme affirme l’hypothèse selon laquelle la dernière des Quatre Nobles Vérités renvoie au pouvoir de l’esprit. Le pratiquant bouddhiste estime que si la vie comporte des souffrances qui peuvent provenir des besoins et des désirs, il faut s’appliquer coûte à coûte à s’en défaire. C’est à travers l’entraînement mental et plus particulièrement par le biais d’une pratique soutenue de la méditation qu’il devient à la portée de l’homme de s’affranchir de ces souffrances et d’agir de manière active sur ses états émotifs, ses humeurs et son tempérament. Selon cette conviction bouddhiste, l’esprit serait de ce fait doté d’un pouvoir remarquable d’autotransformation. Il faut envisager la méditation comme une forme relativement élaborée visant à l’entraînement du mental. La vocation de cette technique est d’accéder à une nouvelle perception de la réalité ainsi que de ce qui fait la nature de l’esprit. Par la même occasion, la méditation permettrait de faire apparaître des qualités qui n’étaient pas cultivées dès la naissance jusqu’à ce qu’elles finissent par intégrer définitivement notre être. Fort heureusement, le bouddhisme et les neurosciences se rejoignent dans l’affirmation que la pensée est apte à agir sur le fonctionnement du cerveau, mais requiert pour cela des lois naturelles qui peuvent régir l’évolution de la personne, voire du monde. C’est ainsi que Jose Cabezon avance qu’à l’instar des sciences, le bouddhisme œuvre également dans l’établissement analytique et non dogmatique du bien-fondé des lois universelles. En octobre de l’année 1987, le Dalaï-Lama fut même l’invité d’honneur de la première conférence mise en œuvre par le Mind and Life Institute et qui s’est tenue à Dharmapala. Au sein de cette entreprise d’envergure qui fut créée par Engle et Verela, cinq scientifiques furent entourés par un philosophe. Au cours de l’expérimentation, les deux groupes ont engagé des échanges informels en rapport avec le bouddhisme et la science cognitive proprement dite. Par la suite, la formule qui s’en ressortit servit de modèle durant les entretiens ultérieurs avec le Dalaï-Lama. Pendant près d’une semaine, les spécialistes ont eu l’occasion de présenter leurs travaux dans la matinée avant de poursuivre par une retraite avec le Dalaï-Lama et les érudits bouddhistes conviés afin d’échanger sur cette problématique. De l’avis de Dalaï-Lama, le bouddhisme est conçu pour donner droit d’autorité suprême à l’expérience. Seulement après viennent la raison et enfin les Écritures. À cet effet, s’il devait advenir que la science pouvait démontrer de manière quasi irréfutable que l’une ou plusieurs des croyances bouddhistes se trouvaient être infondée et qu’elle s’illustre totalement à l’opposé de vérités scientifiques incontestables, alors il était du devoir du bouddhisme d’abandonner cette vue ou cet enseignement des écrits, même si celui-ci prévaut depuis des millénaires. Le bouddhisme peut faire la part des choses en se soumettant aux faits. Le Dalaï-Lama est même allé jusqu’à proposer aux scientifiques de reconsidérer la physique bouddhiste qui maintient que la forme, le goût, l’odeur et le toucher constituent des composantes essentielles de la matière. À l’opposé, du point de vue des matérialistes, l’esprit demeure le seul résultat de l’activité cérébrale alors que les émotions et les pensées restent du ressort de l’expression de l’activité cérébrale. Dans ce cheminement d’idées, il ne peut y avoir qu’une interaction unilatérale, de bas en haut. Pour les bouddhistes, la pensée a le pouvoir de changer le cerveau avec lequel il instaure une relation biunivoque. C’est la raison pour laquelle le Dalaï-Lama a justement tenu à soumettre à l’attention des scientifiques de la conférence de 2004 des questions fondamentales liées aux croyances de l’enseignement bouddhique. Parmi elles, le guide souhaitait savoir si dans la mesure où le cerveau est la source des pensées, des émotions et de toute manifestation cognitive qui forment ce que l’on dénomme « l’esprit », n’est-il pas également probable que l’esprit puisse à son tour provoquer des altérations plus ou moins significatives sur cette substance dont il émane. La problématique selon laquelle la pensée surviendrait avant que les changements ne se déclarent dans le cerveau a logiquement été soulevée ainsi que la capacité de la pensée la chimie et le fonctionnement électrique du cerveau. Du côté des neurosciences, l’hypothèse se rapproche assez des certitudes fixistes des matérialistes. En effet, Santiago Ramon y Cajal, un neuroanatomiste espagnol avançait en 1913 que les conduits nerveux inhérents aux centres matures demeurent fixes, achevés et immuables. Selon cette doctrine, le cerveau d’un homme adulte est immuable à cause du fait qu’il est câblé de façon irréversible, ce qui suppose qu’il ne peut produire de nouveaux neurones. Par conséquent, un groupe défini de neurones ne peut être affecté qu’à une seule et unique fonction. À l’époque, il était jugé inconcevable qu’il puisse y avoir une transformation généralisée, à l’image de l’extension d’un nerf qui serait responsable d’une action mentale spécifique ou de changements au niveau du câblage qui relie une zone cérébrale à une autre. Seuls étaient admis comme possibles l’apparition de quelques synapses supplémentaires et le phénomène de solidarisation des dendrites afin de stimuler la communication entre des neurones rapprochés. Ces considérations impliquaient toutefois qu’il était tout à fait inutile de chercher à réhabiliter de quelque façon que ce soit des personnes qui auraient subi des dommages cérébraux à la suite d’un AVC. C’était un paradigme qui prévalait alors dans les amphithéâtres et les livres d’enseignement en médecine de par le monde.

 

La remise en cause du dogme fixiste et les progrès de la neuroplasticité

Ce ne sera que plus tard, vers la fin du XXe siècle, que des neuroscientifiques iconoclastes ont pris le parti de remettre en cause ce dogme fixiste, ce qui a permis par la suite de déboucher sur le caractère neuroplastique du cerveau. Plusieurs travaux ont d’ailleurs été entrepris sur ce sujet. Dans les années 1970, Merzenich s’était appliqué à démontrer que le cerveau était capable de se réorganiser. En « colonisant » la région du cortex moteur somato-sensoriel relatifs aux nerfs médians d’un singe, il avait découvert que cette zone parvenait malgré tout à réagir à la stimulation de secteurs voisins, comme la main, moins d’un mois après la section du nerf. En 1980, Schwarz a réussi la prouesse d’améliorer de manière significative d’état mental de patients qui étaient atteints de troubles obsessionnels compulsifs en ayant recours à la méthode de la pleine conscience. À travers ce concept, il les encourageait à devenir graduellement conscients de la nature réelle de leur obsession afin de pouvoir par la suite d’en détourner progressivement leur attention. Grâce à cette expérimentation, les sujets se sont pris à entrevoir leurs symptômes comme l’expression de processus cérébraux de nature pathologique. Au bout d’une semaine, ils étaient convaincus de détenir les moyens d’y faire face et de les atténuer alors qu’aucun d’eux n’était soumis à une médication spécifique. Force était de constater que la thérapie avait eu pour résultat de modifier le métabolisme du circuit du trouble obsessionnel compulsif dans leur cerveau. Ce fut la toute première étude qui parvint à établir qu’une thérapie cognito-comportementale était en mesure de modifier de façon systématique la chimie cérébrale, allant jusqu’à dérégler un circuit cérébral bien précis. Plus tard, en 1990, Pascual-Leone a mené une étude pour prouver que l’effort mental était suffisant pour stimuler la modulation plastique des circuits neuraux. Pour son expérimentation, il a fait appel à un groupe de pianistes jouissant d’un même niveau qu’il divisa en deux sous-groupes. Le premier devait s’atteler à apprendre un morceau prédéfini de musique et le jouer intégralement alors que le deuxième devait se contenter de pratiquer le même exercice en le faisant uniquement mentalement. Au fur et à mesure des jours, le scientifique cartographiait les frontières de la bande du cortex moteur contrôlant l’affection et l’extension des doigts par le moyen d’un Stimulation Magnétique Transcrannienne. Chose très surprenante, la région du cortex moteur, contrôlant les doigts qui exécutent le morceau, s’était étendue de manière similaire dans le cerveau des patients des deux groupes. De ce fait, l’entraînement mental avait permis d’activer exactement les mêmes circuits que les répétitions avec les gestes, pour un résultat identique. La preuve que le cerveau des personnes ayant plus de cinquante ans a le pouvoir de faire apparaître de nouveaux neurones a été apportée par gage en 1996. Les neurones voient le jour dans l’hippocampe avant de se déplacer vers différentes zones cérébrales dans lesquelles ils deviendront matures. Ces neurones achevés sont destinés à accompagner le patient jusqu’à sa mort. Toutefois, il a réussi à démontrer que la pratique d’un exercice physique régulier peut favoriser la neurogenèse. En 2004, Teasdale a poussé l’expérience jusqu’à démontre que la thérapie cognitive appliquant la méthode de la pleine conscience pouvait réduire le taux de rechute des patients souffrant de dépression. Une expérience menée sur une cinquantaine de malades sévères qui étaient passés par au moins trois épisodes de dépression grave affichait un taux de récidive de 78%. Avec les traitements habituels et la thérapie de la pleine conscience, le taux de rechute dans le groupe a chuté à 36%. Il est apparu qu’en surveillant activement leurs pensées, les dépressifs jouissant de la thérapie sont capables de refreiner la tendance des produits enclins au dysfonctionnement de leur psyché à se dégénérer. Dans ce cas de figure, la thérapie cognitive a vocation à agir de haut en bas en empêchant le circuit dépressif d’achever son cheminement. Ces travaux prouvent combien il est utile de remettre en cause le fixisme neurogénétique qui suppose qu’il existe un lien ineffable de causalité entre le gène et le comportement d’un individu, ce qui suppose qu’une personne est dépressive dans la mesure où ses gènes de la dépression l’y prédisposent, de même qu’un alcoolique avec ses gènes de l’alcoolisme. Ces études ouvrent la voie à la neuroplasticité et à la capacité du cerveau à se moduler, à se dresser entre gène et comportement. Par conséquent, l’assertion qui maintient que le cerveau peut être recâblé par le biais d’un entraînement mental poussé tient parfaitement la route, tels des muscles du corps qui peuvent être sculptés.

 

Recâblage du cerveau et entraînement mental

En 1994, Sadat s’est appliqué à pousser plus avant les découvertes de Pascual-Leone en vérifiant s’il était possible pour des aveugles de naissance qui lisent du braille de développer la région du cortex responsable de la sensibilité des doigts. Il décide de comparer l’activité de cette zone cérébrale chez des non-voyants qui déchiffrent les mêmes signes de braille avec celle de voyants familiers du braille. Résultat surprenant, pour le groupe des aveugles de naissance, la zone supposée être câblée de manière permanente, car affectée au champ du visuel, avait été recâblé partiellement vers la sensation des doigts. Dans cette même logique, un autre chercheur avait travaillé pour la résolution des douleurs imaginaires qui sont ressenties par les personnes ayant été amputées d’un membre. Pour que les douleurs fantômes soient désapprises, le scientifique a eu l’idée de créer une sorte de boite à miroir conçue pour tromper le cerveau du patient en transposant l’information erronée inscrite dans le cerveau. Pour un sujet qui a perdu la main gauche, il lui demande d’introduire sa main valide dans le compartiment de droite de la boîte et on lui demande d’imaginer qu’il place sa main fantôme dans l’autre compartiment. Entre les deux compartiments se trouve un miroir vertical reflétant la main valide, de telle sorte que le patient puisse voir l’image de sa bonne main à la place de celle qui lui a été amputée. Alors qu’il bouge sa main encore valide, il lui semble qu’elle se superpose à sa main fantôme qui est comme ressuscitée. Grâce à des exercices quotidiens soutenus, les douleurs fantômes chez le patient ont totalement disparu dans la mesure où le cerveau avait finalement intégré de nouvelles données, notamment que la main amputée n’existait plus. Fin 2005, des travaux menés par Merzenich se portaient sur des personnes du troisième âge avec une moyenne d’âge allant de soixante à quatre-vingt-quatorze ans. Tous les jours, les sujets ont suivi un entraînement informatique pour leur permettre d’améliorer la capacité de leur cerveau à reconnaître des sons du langage. Les résultats obtenus ont démontré qu’au bout de huit semaines, le cerveau tait plus apte à traiter la parole et à se souvenir de façon plus claire des choses. Les exemples attestant des avancées en termes de neuroplasticité sont encore nombreux, toutefois, il est impératif de soulever l’histoire de Michelle Mack. La jeune femme subit une attaque cérébrale alors qu’elle se trouve encore dans le ventre de sa mère. À la naissance, elle n’a qu’un seul lobe cérébral droit, car le lobe gauche s’est intégralement recâblé dans le cerveau droit, ne produisant alors que de légers handicaps moteurs et intellectuels. Au fil des années, la fillette développe des aptitudes exceptionnelles qui ne se retrouvent que chez certains autistes et enfants surdoués.

 

L’histoire remarquable du Dr Jill Bolte taylor

À la date du 10 décembre 1996, le neuroanatomiste et spécialiste du cerveau, Jill Bolte Taylor de l’Université de Harvard, est victime d’un AVC. Cas grave, une hémorragie se déclare au niveau de l’hémisphère gauche de son cerveau. Au réveil, la scientifique se retrouve paralysée, incapable de proférer un son et n’a aucun souvenir de son passage à l’hôpital. Elle paraît même habitée par une mystérieuse euphorie. L’hémisphère droit de son cerveau est le seul à fonctionner, la plongeant alors dans un état quasi mystique. Pendant près de huit ans et avec l’aide de sa mère, le docteur s’est appliqué à suivre une rééducation acharnée, et ce, en dépit des convictions de l’époque. Pendant une longue période, il lui a fallu réapprendre à parler, à lire et à se mouvoir. Aujourd’hui entièrement guérie, elle constitue un des exemples remarquables des possibilités en termes de plasticité du cerveau. Sortie victorieuse de cette expérience, elle a choisi de retranscrire ce qu’elle a vécu dans son livre intitulé « Voyage au-delà de mon cerveau ». Dans son œuvre, elle évoque justement le caractère exceptionnel de la plasticité du cerveau qui permettrait d’accéder à une paix éternelle. Cette scientifique très rationnelle ouvre alors la voie sur le champ du spirituel en se rapprochant étonnement des paroles habituellement prononcées par les méditants.

 

La puissance de l’esprit sur le cerveau

Afin de confronter les acquis des neurosciences eu bouddhisme, une série d’expériences ont été conduites par Antoine Lutz avant d’être publiées en 2004. En travaillant avec huit moines bouddhistes et huit étudiants de l’Université du Wisconsin entraînés à la méditation, le chercheur souhaitait les étudier en phase de méditation sur la compassion pure. Grâce aux électrodes d’un électroencéphalogramme, le scientifique pouvait capter les ondes gamma émises par le cerveau en état de repos et en état de méditation. En passant d’un état neutre à un état de méditation, Lutz découvre que l’activité gamma atteint des records jamais observés en neurosciences et ne décéléraient pas, et ce, même pendant les périodes de repos entre chaque méditation. Chez les étudiants, le signal gamma ne subissait qu’une augmentation légère, mais néanmoins significative d’une durée de quelques centaines de millisecondes, alors que chez les moines, il durait un peu plus de cinq minutes. Ces résultats tendent à confirmer le pouvoir d’un entraînement mental à accéder à une conscience plus élargie et à déboucher sur une perception accrue propice à la résolution de problèmes. Une expérience similaire fut réalisée, mais par analyse IRMF. Lorsque la compassion pure était générée, les sujets, autant moines que néophytes, montrait une amplification de l’activité dans les zones liées à la gestion des émotions, de la programmation des mouvements et des sentiments positifs. Les régions qui garantissent le maintien du « moi » et de l’autre » semblent s’apaiser mutuellement. Parallèlement, l’activité décroit sensiblement dans les zones qui activent les émotions négatives comme l’anxiété et la colère. Du côté des moines, on remarque une activation remarquable au niveau de l’insula droite et du noyau caudé, régions associées à l’empathie et à l’amour maternel. Plus les moines bénéficiaient de plus d’heures de méditation, plus l’écart s’élargissait. Chose encore plus surprenante, lorsque les moines s’absorbaient à la méditation sur la compassion pure, le scientifique avait décelé une augmentation de l’activité dans les zones reliées au mouvement planifié, de sorte qu’ils semblaient prêts à tout moment à voler au secours d’une tierce personne en détresse. Alors même que les moines faisaient naître en eux la compassion, le travail au niveau du préfrontal gauche qui est associé au bonheur et celui dans le préfrontal droit lié aux émotions négatives atteint une intensité jamais égalée. Ce qui n’était pas le cas chez les sujets témoins, mais néanmoins entraînés à la méditation. Contrairement au principe de la science qui prévaut que la régulation affective et les réactions liées aux émotions restent statiques et ne changent pas à l’âge adulte, ces résultats démontrent bien que l’entraînement mental faisant recours à la concentration et à la pensée peut modifier les connexions entre le cerveau qui raisonne et celui de l’émotion.

 

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Par Alex Michel pour Mental Waves

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