Voilà un thème générique et énigmatique qui fascine le public comme en atteste l’étonnant succès populaire des livres en lien avec l’ésotérisme, tel l’ouvrage de Dan Brown « Da Vinci Code » (plus d’un million d’exemplaires vendus en France) ou encore la popularité des émissions télévisées traitant de ce terme. L’intérêt croissant pour l’occultisme, la numérologie, la kabbale, les sociétés secrètes ou encore l’astrologie..., révèle un fantastique engouement et le grand retour du substantif « ésotérisme » qui n’a été inventé, rappelons-le qu’au 19ème siècle. Mais que cache exactement ce mot d’origine Grecque (ancien esôteros, « intérieur ») ? Comment le définir ? D’après le dictionnaire Larousse, c’est une « Partie de certaines philosophies dont la pratique devait rester inconnue des profanes. (L'ésotérisme est surtout la caractéristique des philosophies pythagoricienne, kabbaliste et, de façon générale, des doctrines qui visent à créer une initiation et une hiérarchie sociale.). Se dit d'un mode d'expression, d'une œuvre qui n'est compréhensible que des initiés ; hermétique, abstrus, abscons. Les plus proches synonymes sont hermétisme et occultisme... ». « Dans l'Antiquité, ce terme désignait habituellement des enseignements réservés à un petit nombre d'initiés, notamment au sein des Mystères, par exemple les Mystères d'Éleusis ».
Selon les époques et les auteurs, le sens du mot diffère de façon notable. Si vous visitez les réseaux sociaux, de nombreux sites s’accordent pour dire que « |. En principe, la partie de l'enseignement « cachée » au profane ne contredit pas l'enseignement donné au public. Il apporte en général un « deuxième sens » aux aspects de l'enseignement exotérique. Il l'ouvre sur des états de conscience supérieurs, sur des perspectives métaphysiques... ». Comme le soulignait en 2004 l’écrivain-Philosophe-sociologue et historien des religions Frédéric Lenoir (article paru dans le Nouvel Observateur Hebdo), « Le mot ésotérisme est effectivement un mot fourre-tout qui recouvre des choses très disparates. Il faut commencer par distinguer l’adjectif « ésotérique » du substantif « ésotérisme ». L’adjectif lui est antérieur et vient du grec « esôtirokos », qui veut dire « aller vers l’intérieur ». Il s’oppose à « exoterikos », « vers l’extérieur ». Cette mise au point permet d’éclairer le chemin qui mène à « une harmonie universelle et une mathématique sacrée à l’œuvre dans l’univers », un fondement mis en relief par Pythagore.
D’après l’écrivain, en imposant une forme de pensée théologique verrouillée, les religions ont étouffé le mystère, l’imaginaire et le sacré. A travers ce verrouillage, elles ont progressivement perdu leur dimension symbolique d’où la désaffection de nombreuses personnes pour ces systèmes de dogmes ou de croyances, de pratiques rituelles et morales à sens unique. Ces personnes sont parties à la recherche d’une nouvelle voie spirituelle dans l’ésotérisme, à travers des courants parallèles qui mettent en avant la pensée symbolique. Il faut bien avouer qu’aujourd’hui notre société cartésienne, rationnelle et aseptisée a « cloisonné les domaines du sacré et de la raison. L’imaginaire et la pensée symbolique n’ont plus leur place... » dixit Frédéric Lenoir. En rompant la loi de UN si chère à Edgar Cayce, de nombreux occidentaux ne se considèrent plus comme des « habitants du monde » mais plutôt comme des propriétaires de celui-ci, devenant de surcroît des défenseurs d’un monde matériel illusoire et désenchanté, en totale contradiction avec les lois universelles et la nature. Or, l’homme est en totale inadéquation avec le « métro-boulot-dodo » et la mondialisation. Pour se « réaliser », il a besoin de symboles et de mythes pour être à nouveau en harmonie avec l’univers et prendre conscience de sa nature divine. Las d’entendre cette pensée unique qui lui impose une certaine forme de croyance et d’action, il désire plus que jamais se relier à la profondeur du réel en s’appuyant sur l’ésotérisme.
L’histoire de l’ésotérisme est désormais mise à jour grâce à internet, livres et aux mass médias... A l’heure de la technologie médicale de pointe, les magnétiseurs, rebouteux autres guérisseurs de campagne ne désemplissent pas. C’est un signe qui devrait interpeller les pro-mondialistes ! Jamais autant de livres ayant pour scénario l’ésotérisme, ne sont devenus de véritables Best-sellers à travers le monde (littérature et cinéma), tels le « Seigneur des Anneaux », « Harry Potter », « L’alchimiste » ou le « Da Vinci Code ». Pourquoi un tel succès planétaire ? Frédéric Lenoir prend l’exemple du livre de Paulo Coelho « L’alchimiste », pour expliquer l’engouement du grand public aux quatre coins de la planète. Cet ouvrage « reformule le vieux concept d’âme du monde en le reliant à l’individualisme moderne. Le leitmotiv du livre est que : « l’univers conspire pour réaliser notre légende personnelle », c’est-à-dire nos vœux les plus chers... ». Néanmoins, l’écrivain nous met en garde contre certains livres qui présentent le meilleur et le pire de l’ésotérisme. « Le meilleur, parce qu’il fait rêver et redonne une dimension symbolique à la religion, le pire parce qu’il détourne parfois les symboles de leur sens véritable et qu’il donne des informations totalement erronées ». Il faut prendre garde également aux dérives sectaires nées dans l’imagination de pseudo gourous qui obéissent (soi-disant) à des maitres invisibles. Il en résulte parfois des tragédies meurtrières (par exemple l’Ordre du Temple solaire) pour les uns, une coupure rationnelle avec le réel pour d’autres, bien souvent au détriment des « adeptes » du groupe. Un autre exemple célèbre dans lequel les délires ont engendré la peur, une imagination débordante ou l’interprétation d’un événement considéré comme l’œuvre du diable, est celui du roman d’Umberto Eco « Le nom de la rose », porté à l’écran avec brio par Jean-Jacques Annaud, avec Sean Connery, Christian Slater et Helmut Qualtinger. En l’an de grâce 1327, alors que la chrétienté est en pleine crise, « des moines interprètent les crimes commis dans leur monastère comme une réalisation des prophéties de l’Apocalypse ». Un véritable chef d’oeuvre à l’arrière-goût du cyanure, à découvrir ou à revoir.
Si à l’heure de la mondialisation et de la pensée unique certains s’interrogent à propos de la renaissance de l’ésotérisme dans notre société, d’autres estiment que le retour aux sources n’est qu’une juste réponse à travers le rééquilibrage de l’imagination, de l’intuition, des instincts et des sens avec la logique et la capacité de raisonnement rationnel que nous a offerts la nature. Certes nous voyons le monde à travers le filtre de nos connaissances, mais les idées principales à prendre en considération pour être en parfaite communion avec le monde qui nous entoure, reposent sur des niveaux de conscience indispensables pour vivre pleinement une existence digne de ce nom. Pour ce faire, l’homme a autant besoin d’amour, de compréhension et d’émotions que de connaissances scientifiques et de rationalité, de certitudes et de sécurité que de mythes et de voyages dans l’imaginaire. Malheureusement La voie du juste milieu n'est pas suivie par les décideurs, souvent pour des raisons politiques, stratégiques et financières. Ils préfèrent choisir des voies de garage, en totale inadéquation avec les valeurs même de la vie. « Les hommes intelligents vont au-delà, les ignorants restent en deçà. Les sages veulent trop faire, et l'homme de peu pas assez. C'est ainsi que tout homme boit et mange, et peu savent juger des saveurs » dixit Confucius. En toutes choses, le plus sage est de tenir un juste milieu, pour l’équilibre de notre société dans son ensemble. Il est indispensable que l’homme associe le sacré à la raison pour revenir aux fondamentaux que la nature nous a confiés. Comme le soulignait Nicolas de Chamfort, Le plaisir peut s’appuyer sur l’illusion, mais le bonheur repose sur la Réalité.
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